Crise économique, crise sanitaire, crise énergétique… Ce sont de ces crises que naissent de nouveaux réseaux professionnels solidaires. D’autres renforcent leurs liens pour affronter les difficultés quotidiennes et s’adapter à de nouveaux paradigmes. Parmi ces réseaux, nous avons les clubs d’affaires qui florissent tout comme les plateformes hybrides. Ces dernières aident les indépendants à lancer et pérenniser leur activité. Quant aux médias sociaux, ils nous aident à travailler en réseau et à prospecter. Nombreuses sont les richesses créées par un réseau professionnel solidaire. Qu’en est-il de ses pièges ?
La raison d’être d’un réseau professionnel
Quelle que soit la nature d’un réseau (club d’entrepreneurs, réseau social, réseau relationnel professionnel, etc.), ce dernier naît à partir d’un intérêt commun au minimum qui profite à chaque membre. Néanmoins, les points en commun ne suffisent pas à alimenter une communauté. Elle a besoin d’être stimulée par un leader ou un groupe leader qui la guidera avec passion et détermination. Il lui donnera les moyens de communiquer efficacement en son sein et à l’extérieur pour atteindre des objectifs comme :
- faire connaître l’intérêt commun,
- créer de la valeur,
- influencer son environnement,
- attirer de nouveaux membres.
Par exemple, l’intérêt majeur d’un club d’entreprises pour ses membres est de connaître les autres, de se faire connaître pour identifier des opportunités commerciales ou faire des affaires ensemble. Par conséquent, la raison d’être réside dans une solidarité économique qui peut tendre vers la fraternité.
Qu’entend-t-on par réseau solidaire ?
Le fait d’être solidaire, selon le Larousse, correspond à une relation entre personnes qui entraîne une obligation morale d’assistance mutuelle. Par extension, les membres d’un réseau sont ou s’estiment être liés entre eux par une responsabilité commune, des intérêts communs. La France est un terreau favorable à la création d’associations, fédérations, syndicats et autres réseaux ou clubs d’entreprises.
Ce constat résulte de son histoire ainsi que de son éducation judéo-chrétienne qui ont créé les fondements de notre république : liberté, égalité, fraternité. La fraternité s’est largement effacée au profit de la solidarité au nom de la contribution sociale pilotée par l’État. Mais elle revient dans les discours de celles et ceux qui la promeuvent comme une valeur universelle d’appartenance au genre humain. En la partageant, nous relativisons nos différences et les appréhendons comme une richesse au sein d’un tout : l’humanité(1).
Un réseau solidaire se veut également engagé avec des membres bénévoles actifs qui contribuent au partage d’informations, de compétences ou défendent les droits de leurs pairs auprès des acteurs sociaux-économiques publics et privés. L’explication de cette assistance bénévole est l’empathie, la compassion devant la difficulté rencontrée par un ou une professionnelle. Cette empathie n’exige aucune réciprocité et l’aidant trouve ici sa récompense simplement dans la satisfaction d’avoir secouru un pair avec l’idée que la personne aidée aurait agi de la même manière si on avait été à sa place.
Des pièges bien dissimulés
Le premier piège d’un réseau solidaire s’inscrit dans la volonté plus ou moins affirmée de se protéger d’un environnement menaçant (nouvelles lois, nouveaux concurrents, hyper sollicitations, etc.). La communauté opère un repli sur elle-même et finit par cultiver l’entre-soi avec ses clients tout au plus. L’entrée du château fort est bien gardée et les laissez-passer sont généralement délivrés à partir de critères d’appartenance ou via la cooptation. A titre d’exemple, certains réseaux de dirigeants fonctionnent ainsi pour se protéger des multiples sollicitations de prestataires et protéger la confidentialité de leurs besoins et communications stratégiques. Où se cache donc le piège ? Le manque d’ouverture vers d’autres acteurs de leur écosystème et en dehors paupérise leurs réflexions et stimule moins le désir d’innovation et de changement : deux points essentiels pour pérenniser son activité.
Le second piège s’installe dans le sentiment de puissance et/ou de sécurité que peut avoir les membres du bureau d’un réseau professionnel. Leader sur son marché, le réseau profite de ce confort sans se remettre en question ou anticiper les menaces, comme pourrait le faire une entreprise avec l’outil SWOT. Prenons l’exemple du Covid et de ses conséquences. Certains réseaux ont été très réactifs et solidaires. D’autres ont embrassé l’inertie et l’attentisme avec comme constat douloureux de perdre de nombreux adhérents voire d’arrêter définitivement leurs activités.
Le troisième et dernier piège que je souhaite vous présenter est posé par la tête de réseau et parfois soutenu par son bureau. Fiers et flattés par leur statut, ils ont la fâcheuse tendance à diriger plutôt que mener leur collectif. Quand nous dirigeons, nous sommes là pour transmettre ce qu’il faut faire et comment le faire. Ce style de management est apprécié et nécessairement temporaire une fois l’acquis validé. Dans le cas contraire, l’adhérent se sent contraint ou asservi : un comble pour un professionnel bénévole ! La majorité ne reste pas longtemps dans le réseau en question et peut véhiculer une image négative.
Une richesse sociale et économique stimulante
Quand la tête de réseau aime mener un collectif avec empathie et solidarité, il établit facilement des connexions et inspire par sa vision et ses valeurs partagées. Il sait resserrer les liens au sein des membres et leur donner envie d’agir entre eux et auprès parties prenantes externes. Il les stimule tout en veillant au libre arbitre. Des membres actifs et solidaires ont tous envie d’amélioration. Il s’agit donc de micro leaderships individuels qui créent des interactions entre les membres et déclenchent des initiatives constructives.
Alors, la sollicitude et le plaisir de créer de la valeur sociale et économique ensemble apportent de multiples gratifications personnelles addictives. Vive la sérotonine et l’ocytocine ! Les membres s’intéressent les uns aux autres et aux activités du réseau. Plus les membres sont actifs, plus le réseau est productif et attractif. Il se développe, gagne en visibilité et en influence. Nous sommes effectivement plus enclins à entrer dans un restaurant avec du monde que l’inverse. Le bouche-à-oreille peut devenir viral comme le réseau d’entraide Wanted Community sur Facebook (plus d’1 million de membres) classé parmi les 5 communautés les plus influentes du réseau social au monde – ou le succès pérenne du CJD, ce mouvement des jeunes dirigeantes et dirigeants responsables et engagés.
Par extension, la solidarité et l’entraide favorise les liens d’amitié ou de fraternité. L’ engagement moral individuel devient fort et nous retrouvons les liens affectifs d’une fratrie. Cette fraternité s’exprime plus facilement dans certaines associations ou clubs comme le Lions Club, les clubs professionnels sportifs ou spirituels (catholiques, franc-maçons, etc.).
Pour conclure…
Je suis convaincue que la solidarité est un ingrédient indispensable à la pérennité d’un réseau. J’ajoute que la différence ou l’unicité de ses adhérents est une richesse au sein de ce qui nous unit dans celui-ci. Par conséquent, l’enjeu majeur réside dans la capacité des micro-leaders à fédérer et stimuler l’action dans la diversité.
Catherine SARNOW
_______
(1) « Plaidoyer pour la fraternité » février 2015 d’Abdennour Bidar, docteur et agrégé de philosophie, inspecteur général de l’Éducation nationale, est un auteur prolifique, connu pour ses interventions publiques en faveur des notions de fraternité et de laïcité.
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